Depuis octobre 2020, Ivolve accompagne Claire Tantet, médecin à l’initiative du Parcours à l’APHP, dans une formation innovante sur les mutilations génitales féminines, la formation FAM.

Un projet innovant

Soutenue par la Fondation Nehs (en 2019 et 2020), Claire Tantet élabore avec son groupe de recherche et Emmanuel Levard une formation innovante pour repérer, prévenir et accompagner les femmes et les filles ayant subi ou à risque de subir une mutilation génitale féminine ou MGF. Cette formation s’adresse aux professionnel.les de santé ou à toute personne travaillant dans le domaine social qui souhaitent en savoir plus sur les MGF. Ce projet, nommé FAM, s’appuie sur le constat qu’il n’y a pas de formation sur ce sujet en France qui prenne en compte l’aspect relationnel entre le professionnel.le et la patiente, ni la posture du professionnel.le, alors que ces questions semblent primordiales dans l’accompagnement des patientes ayant subi des violences, notamment des MGF. Cette formation propose, sur deux jours, à la fois d’acquérir des compétences en termes de connaissances, mais aussi et surtout de se questionner sur son savoir-faire et savoir être : comment aborder la question des MGF ? Que proposer aux familles ? Comment se sentir à l’aise avec cette question et faire preuve d’écoute, de bienveillance, de non-jugement et d’empathie pour pouvoir comprendre et accompagner les femmes selon leurs besoins ?

Une formation qui développe les compétences relationnelles

Afin que la formation réponde au mieux aux attentes des patientes et aux problématiques rencontrées par les professionnel.les face à la question des mutilations, un premier travail de recherche a été effectué en partenariat avec la sociologue Bahar Azadi. Des Focus Groupes (groupes de parole) avec des femmes de plusieurs associations (IKAMBERE, Uraca et la maison des femmes) ainsi que des interviews individuels de professionnel.les ont permis de rassembler de précieuses informations sur le vécu et le ressenti des unes et des autres. Deux points ressortent clairement : le vécu de chaque patiente reste unique, et peut être très différent d’une patiente à l’autre. Par contre, le besoin d’en parler ainsi que le besoin que le professionnel de santé soit à l’aise pour ouvrir le sujet ressortent clairement. Du côté des professionnel.les, nous retrouvons la méconnaissance du sujet, la peur de heurter la patiente ou de porter un jugement sur sa culture ou encore d’être trop intrusif si elle n’en parle pas.

Pour proposer une nouvelle approche pédagogique, l’équipe est composée de trois personnes : Maud Ivanoff (formatrice et comédienne de théâtre forum), Emmanuel Levard (directeur de l’organisme de formation Ivolve et formateur) et Claire Tantet (médecin sur le dispositif Parcours et porteuse du projet). La formation s’adapte à chaque groupe avec l’intention de nourrir à la fois des connaissances précises de façon non descendante, de porter une réflexion sur les MGF de façon globale et de proposer une expérimentation individuelle de sa posture d’accompagnant avec des situations concrètes.

Dès octobre 2020, la plupart des professionnel.les qui y participent (largement des femmes, plutôt dans le secteur médical), disent avoir très peu été formé.es au sujet (ni en formation initiale, ni continue) alors que la plupart ont déjà accompagné des femmes concernées par les MGF. Ils et elles sont surpris.es par l’approche de la formation, orientée sur le développement relationnel avec des outils pédagogiques innovants qui les amènent à comprendre leurs freins, leurs difficultés, leurs ressentis et émotions, ainsi que leurs croyances autour de cette question. Grâce à des outils dynamiques et participatifs comme le photolangage, à la mise en situation par le théâtre forum ou l’expérience de l’écoute active, les questions de la gestion des émotions en consultation, de l’intelligence relationnelle et de la prise en compte du vécu unique de chaque patiente sont abordées.

Un impact fort sur les participants

Début 2022, l’agence Phare en lien avec Bahar Azadi a fait une étude de l’impact social de cette formation. Celle-ci montre que les participant.es perçoivent largement les effets de cette formation sur plusieurs aspects. Tout d’abord ils et elles confirment l’acquisition de connaissances théoriques (différents types de MGF, prévalence des MGF dans les différents pays, etc). Leur compréhension sur la situation et le vécu des femmes mutilées reçues en consultation s’affine (connaissance des caractéristiques du parcours migratoire, traditions, etc) et leur connaissance du cadre légal concernant les MGF en France s’est clarifiée. Plus des deux tiers des participant.es déclarent se sentir « plutôt » à l’aise, et un tiers « désormais totalement » à l’aise, pour aborder le sujet des MGF auprès des patientes concernées. Ils et elles se sentent à même de réagir en consultation si ils et elles y sont confronté.es. 70% se sentent prêt.es à instaurer un cadre d’écoute propice à l’échange autour des MGF en consultation. La plupart part également avec une meilleure connaissance des structures d’accompagnement des patientes et du réseau de professionnel.les qui travaillent sur le sujet. 80% d’entre eux et elles estiment ainsi que la formation leur a permis de faire évoluer leur façon de diffuser des messages préventifs en consultation, tout comme le contenu de ces messages. De façon plus individuel, ils et elles repartent plus conscients de leurs compétences relationnelles, renforcé.es dans celles qu’ils utilisent déjà et prêts à développer celles qui pourraient les enrichir dans leur pratique.

En juin 2022, cette formation a touché 124 professionnels en deux ans, bien plus qu’imaginé au départ. La liste d’attente est encore longue, notamment grâce au bouche à oreille, et il y a de nombreux professionnel.les qui souhaitent que la formation FAM se poursuive.

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