Pour la Journée du droit des femmes 2022, Ivolve a accompagné la Mairie de Montfermeil dans un projet fort et innovant : une « Bibliothèque Humaine », quatre témoignages de violences faites aux femmes, portés par des comédiens, dans l’espace public.

Tout a commencé en novembre 2021, quand la Mairie de Montfermeil commande à Ivolve un Théâtre Forum sur les violences faites aux femmes. La séance est très émouvante, les participantes se confient, les médiateurs de la ville sont présents pour recueillir les témoignages et aider celles qui en ont besoin. Suite à ce moment fort, Djena DIARRA, l’Adjointe au Maire en charge des Politiques de préventions et des Droits des Femmes, a envie d’aller plus loin, toucher un public plus large, dans les rues de Montfermeil, pour la journée du 8 mars 2022. La « Bibliothèque Humaine » est née et sa conception est confiée à Maud Ivanoff de Ivolve. Inspirée du Théâtre Invisible d’Augusto Boal, l’idée est de faire entendre des témoignages de violences (harcèlement de rue, violences conjugales) à des passants, dans différents quartiers sensibles de la ville. L’objectif est de sensibiliser un public qui ne vient pas spontanément à un évènement organisé par la ville, un public qui a rarement accès aux informations sur ces sujets, un public potentiellement touché par ces problématiques.

Ce projet soulève des questions délicates : Comment aborder des sujets aussi intimes dans l’espace public, entre les courses et la sortie d’école ? Comment faire entendre l’intolérable des violences vécues, tout en transmettant l’énergie du changement ? Comment toucher sans provoquer du rejet ? Comment donner des clés de compréhension des mécanismes qui sont à l’œuvre dans les violences en quelques minutes ? Comment accompagner les émotions ou réactions qui peuvent émerger à l’écoute de ces témoignages ? Comment accompagner les personnes en demande d’aide à la suite de ces témoignages ?

Les réponses sont trouvées au fur et à mesure des étapes de création, avec la complicité de M Thomas Granié, aux commandes de l’organisation de l’ensemble des évènements de la journée du 8 mars sur Montfermeil. Tout d’abord dans le choix des lieux stratégiques de la ville : lieux de vie, de passage, suffisamment aéré pour avoir envie de s’y arrêter. Il a fallu imaginer le dispositif idéal pour soutenir cette démarche de confidence : chaque comédien sera proche d’un barnum identifiable à l’aide d’un grand violentomètre, accompagné de plusieurs médiateurs de la ville. Ce dispositif permet une rencontre en deux temps : l’écoute d’un témoignage avec le comédien, suivi d’un échange avec les médiateurs, prêts à accueillir la parole des auditeurs, à échanger, à informer à l’aide de magasines de la ville sur la violence.

Le travail d’écriture et de mise en jeu est très fin, en collaboration avec les quatre comédiens spécialement choisis pour ce projet hors cadre. Les témoignages de quelques minutes, tirés de faits réels, ont pour intention d’ouvrir les yeux des passants sur les violences qui nous entourent tous et que nous ignorons ou minimisons parfois. A cheval entre texte écrit et improvisation, Maud Ivanoff amène les comédiens à incarner au plus vrai des histoires de vie (scènes de harcèlement de rue, histoire de deux victimes de violences conjugales et témoignage d’un homme repenti). Travailler sur une approche tout en douceur, pour donner envie aux passants d’écouter. Puis glisser dans le souvenir de violence, celles reçues ou celles données, tout en faisant entendre les possibilités d’en sortir. Questionner le processus qui est à l’œuvre dans ces moments de violence, poser la question de « pourquoi on reste si longtemps » ou « comment on en arrive à des mots ou gestes si violents ». S’approprier tous les méandres de chaque histoire pour pouvoir improviser et s’adapter à l’écoute de chaque personne abordée. Faire en sorte que les gens repartent avec une touche d’espoir de changement. L’objectif est de toucher par l’émotion plutôt que d’expliquer.

Pari réussi. Tout au long de la journée du 8 mars 2022, dans 7 lieux de passage stratégiques de Montfermeil, les quatre comédiens (Elise Boileau, Mylène Calà, Constantin Leu, Anne Marion-Gallois) ont abordé des centaines de passants pour partager leur témoignage. Certains ont pleuré, d’autres ont témoigné à leur tour, d’autres ont remercié l’équipe pour leur témoignage. A la frontière du vrai et du faux, du théâtre et de la facilitation, cette expérience forte et émouvante a ouvert des espaces d’échanges et de soutien pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Poursuivre votre lecture ?